16/03/2021

Les femmes et l’égalité des genres au Conseil supérieur de l’éducation

Des vingt-deux membres du Conseil supérieur de l’éducation nommés à sa fondation, seulement quatre sont des femmes. Dans les actes des premières réunions, seules deux sont désignées par leur nom : Mlle Thérèse Baron et Mme Jacqueline Thériault-Pitre. Les autres sont identifiées par des appellations qui nous rappellent les conventions de l’époque : Mme Jean-Paul Poulin et sœur Saint-Yves-Marie. Précisons que, selon les normes d’aujourd’hui, elles se nommaient respectivement Pierrette B. Poulin et Yvette Cournoyer, et que ces quatre pionnières ont toutes exercé le métier d’enseignante.

Le Conseil a atteint l’égalité de la représentation des genres de manière progressive, ce qui est le reflet de cette évolution dans la société. Il y avait du chemin à parcourir, comme en témoignent les deux premières conférences données par des membres du Conseil nouvellement nommés, à l’automne 1964. D’un côté, Jacqueline Thériault-Pitre donne une conférence devant une centaine de membres d’un club féminin de Rimouski, où elle présente le Conseil et fait la promotion des idées féministes, suivant notamment la pensée de l’auteure américaine Betty Friedan[1].

Mais de l’autre, M. Richard Joly prononce une allocution au colloque de l’Association des femmes diplômées des universités, dont la présidente d’honneur est la première femme députée et ministre de toute l’histoire du Québec, Mme Marie-Claire Kirkland-Casgrain. M. Joly, invité en sa qualité de membre du Conseil, explique aux femmes présentes dans l’assistance que « l’éducation de la jeune fille qui n’attacherait pas à ses fonctions d’épouse et de mère une importance au moins égale à celle des fonctions professionnelles serait ultimement désastreuse pour la société et pour la femme elle-même[2] ».

Au fil du temps, les mentalités ont heureusement évolué. Vingt ans plus tard, en 1984, le Conseil publie un premier avis proposant une analyse différenciée selon le genre. Pour la rédaction de La situation des femmes dans le système d’enseignement : une double perspective, le Conseil a même mis sur pied un Comité sur la situation des femmes dans le système d’enseignement. Ce document poursuit une double finalité : « celle d’évaluer le chemin parcouru en matière de désexisation de l’enseignement, des activités scolaires et de l’éducation à l’exercice des rôles sociaux et celle d’évaluer la situation des femmes dans le système d’enseignement eu égard aux fonctions qu’elles y exercent[3] ».

L’avis témoigne toutefois des obstacles qui restent à surmonter et conclut que « les femmes occupent dans notre société en général, et dans le système d’éducation en particulier, un champ très limité des études et des emplois disponibles, et elles n’accèdent pour ainsi dire pas au pouvoir[4] ». Faisant sien le commentaire d’une participante entendue par le comité, il lance un constat troublant : « Les femmes dans le système d’enseignement, c’est comme l’air en montagne : plus on monte, plus c’est rare[5]. »

Le Conseil continue au cours des décennies subséquentes de réaliser des analyses différenciées selon le genre, dont l’avis Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles, paru en 1999. Cette fois, ce ne sont pas les enseignantes qui sont le point focal, mais bien les clivages entre les élèves, dont on propose de « tenir compte adéquatement, afin de donner à toutes et à tous des chances égales de réussite au sein de l’institution scolaire[6] ».

C’est aussi dans les années 1990 qu’a lieu la nomination de la première femme présidente du Conseil, Mme Céline Saint-Pierre, à la tête de l’organisme entre 1997 et 2002. Deux autres femmes ont occupé ce poste : Mme Nicole Boutin, entre 2006 et 2011, et Mme Maryse Lassonde, de 2018 à aujourd’hui. Mme Lucie Bouchard l’a également occupé de manière intérimaire, de 2015 à 2018. Quatre femmes ont donc présidé le Conseil en 55 ans d’existence…

De nos jours, les femmes occupent au Conseil supérieur de l’éducation la place qui leur revient. Désormais paritaire, le Conseil continue de porter fièrement le flambeau de l’équité des genres dans les domaines où elle n’est toujours pas atteinte, le plus récent exemple étant la publication du document Le numérique : une culture genrée en septembre 2020 dans la collection Études et recherches. Aujourd’hui, la réalisation du plein potentiel de tous les membres la société, et ce quel que soit leur genre, constitue une assise fondamentale des travaux du Conseil.

[1] Le Progrès du Golfe, 16 octobre 1964, p. 18.

[2] Le Soleil, 17 novembre 1964, p. 10.

[3] Le Conseil, 1984, p. 1.

[4] Ibid., p. 27.

[5] Ibid., p. 1.

[6] Le Conseil, 1999, p. 6.


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